Les nouvelles technologies numériques, comme internet, les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle ou les objets connectés, transforment profondément nos modes de vie, de consommation et de travail. Si elles offrent de formidables opportunités en termes d’innovation, de productivité et de croissance économique, leur essor soulève également la question de leurs effets sur les inégalités économiques et sociales.
En permettant un accès sans précédent à l’information et à la connaissance, les outils numériques étaient censés réduire la fracture sociale et offrir les mêmes chances à tous. Pourtant, de nombreuses études montrent qu’internet tend au contraire à renforcer la ségrégation socio-spatiale et la polarisation des opinions politiques.
Dans cet article, nous analyserons l’impact réel des technologies numériques sur les inégalités, à la fois en termes de revenus, d’emploi, d’éducation et sur le plan géographique. Nous verrons que si le numérique recèle un fort potentiel d’inclusion, des politiques publiques volontaristes sont nécessaires pour en corriger les effets pervers.
1. Des revenus en hausse pour les plus qualifiés
Sur le plan économique, l’essor des nouvelles technologies se traduit globalement par une hausse des revenus des travailleurs les plus qualifiés, creusant les écarts avec les moins qualifiés :
- Les experts en nouvelles technologies, data scientists, développeurs informatiques, etc. voient leurs salaires exploser avec la demande croissante de compétences numériques.
- A l’inverse, de nombreux emplois peu qualifiés, surtout industriels, sont menacés par l’automatisation permise par l’intelligence artificielle et la robotisation.
- Au total, l’OCDE estime que le PIB moyen par habitant des pays développés pourrait augmenter de 2% d’ici 2025 grâce au numérique, mais les 40% les plus pauvres de la population verraient leurs revenus stagner, voire baisser.
2. Des emplois plus précaires
Outre la montée des superstars de la tech, le numérique favorise aussi l’essor de formes de travail beaucoup plus précaires, au détriment this timedes classes moyennes :
- Les plateformes digitales comme Uber, Deliveroo, Amazon Mechanical Turk, etc. se sont appuyées sur le numérique pour développer une main d’œuvre à la demande, sans protection sociale.
- Même les emplois qualifiés sont de plus en plus « uberisés » via des plateformes de freelancing, avec une multiplication des statuts d’auto-entrepreneurs et de travailleurs indépendants.
- Cette « gig economy » numérique comprend déjà près de 20 à 30% de la main d’œuvre aux Etats-Unis et dans l’Union Européenne.
3. Un renforcement des inégalités éducatives
L’expansion des technologies numériques était censée démocratiser l’accès à l’éducation et aux savoirs grâce à internet. Mais dans les faits, les bénéfices en termes d’apprentissage restent très inégalement répartis :
- Les enfants de milieux favorisés tirent beaucoup mieux parti des ressources éducatives en ligne que ceux issus de milieux défavorisés.
- L’addiction aux écrans tend même à réduire les capacités d’apprentissage et de concentration des plus jeunes.
- Au final, l’OCDE constate un creusement des écarts de compétences entre élèves favorisés et défavorisés dans ses enquêtes PISA.
4. Des territoires numériques et des déserts numériques
La diffusion des nouvelles technologies creuse également le fossé entre des métropoles ultra-connectées attirant les talents, les entreprises innovantes et les investissements, et des zones rurales ou périurbaines délaissées :
- Les grandes villes disposent des infrastructures numériques (fibre optique, 4G/5G) et des écosystèmes d’innovation (startups, incubateurs) qui boostent l’activité économique.
- A l’inverse, de nombreux territoires n’ont qu’un accès limité au haut débit et aux services publics en ligne, renforçant leur exclusion.
On estime ainsi qu’en France, près de 10% de la population vit dans des zones sous-équipées en internet fixe ou mobile. Le numérique contribue ainsi à la désindustrialisation et à la désertification de certains territoires.
5. Quid de l’impact environnemental ?
Enfin, l’essor exponentiel du numérique pose également la question de son impact environnemental et de la raréfaction des ressources qu’il implique :
- Les data centers qui stockent toutes nos données numériques sont de véritables gouffres énergétiques, qui consomment désormais environ 2% de l’électricité mondiale.
- L’extraction des métaux rares nécessaires à la fabrication de nos équipements électroniques est également très polluante, tout comme le renouvellement rapide de nos smartphones.
- Au total, le numérique pourrait générer jusqu’à 8% des émissions mondiales de CO2 d’ici 2025 !
Cette empreinte écologique du numérique pose la question de sa soutenabilité à long terme, mais aussi de son accès pour les populations les plus démunies.
Conclusion : vers plus d’inclusion numérique ?
Si les effets pervers du numérique en termes d’inégalités sont réels, tout n’est pas perdu ! De nombreux leviers existent pour favoriser une technologie plus inclusive :
- Des politiques de formation tout au long de la vie pour permettre au plus grand nombre de monter en compétences.
- Un meilleur encadrement des plateformes numériques pour garantir des droits sociaux minimaux.
- Des investissements massifs dans les infrastructures et l’accompagnement au numérique dans les territoires défavorisés.
- Des technologies plus sobres et durables, grâce à l’écoconception logicielle et matérielle.
Plutôt qu’une fatalité, l’augmentation des inégalités numériques est donc un choix de société et de politique publique ! Espérons que les années à venir nous permettront de récolter tous les fruits de la révolution technologique.